crédit iconographique : Emmanuel Ayrst
Colloques passés
Hommage à STANLEY CAVELL - L’ÉCRAN DE NOS PENSÉES : Philosophie et cinéma
début 06/05/2010- Fin 07/05/2010
L’ambition de ce colloque interdisciplinaire est de contribuer à la réception de la pensée du cinéma du philosophe américain Stanley Cavell, en interrogeant ses travaux dans une perspective croisant la théorie cinématographique et philosophique avec la création cinématographique. Ce colloque est porté par le CERCC, en collaboration avec le CERPHI, et par le département des arts de l’ENS de Lyon. À cette occasion seront présentées au public une nouvelle traduction française et deux rééditions d’ouvrages de Stanley Cavell : Dire et vouloir dire (trad. fr. C. Fournier et S. Laugier, Le Cerf, 2009), Qu’est-ce que la philosophie américaine ? De Wittgenstein à Emerson (trad. fr. C. Fournier et S. Laugier, Folio Gallimard, 2009), et Le cinéma nous rend-il meilleurs ? (éd. augmentée, éd. E. Domenach, trad. fr. E. Domenach et C. Fournier). Ces publications récentes constituent une avancée décisive dans notre connaissance de l’œuvre de Stanley Cavell, puisqu’elles permettront de découvrir en français un aspect méconnu de sa philosophie du langage (constitué de ses lectures d’Austin et de Wittgenstein), et de redécouvrir ses travaux sur les penseurs fondateurs de la philosophie américaine et la réflexion morale engagée à partir des films. Une séance de signature de ces livres, à l’issue du colloque, sera l’occasion de réfléchir à la diffusion de sa pensée en France, alors que ses ouvrages de philosophie de la connaissance (Les Voix de la raison), ses écrits sur Shakespeare (Le Déni de savoir dans six pièces de Shakespeare) et sur Thoreau (The Senses of Walden) sont désormais considérés comme des classiques.
Une cérémonie de remise du Doctora Honoris Causa de l’ENS Lyon à Stanley Cavell, en présence de Monsieur le Directeur général de l’ENS Lyon, Olivier Faron, conclura le colloque, et permettra de nouer un dialogue pérenne avec sa pensée au sein de l’École. Cavell est reconnu outre-Atlantique depuis une trentaine d’années déjà pour son apport décisif au champ des études cinématographiques et à la philosophie du langage et de la connaissance, mais la dimension philosophique de ses travaux sur le cinéma n’a pas encore reçu toute l’attention qu’elle mérite, en France ni dans le monde. Promouvoir la philosophie de l’art de Cavell demande un décloisonnement des champs disciplinaires de la littérature, du cinéma, de la philosophie, et l’appropriation des grandes voix de la culture que cette oeuvre incorpore ; de la philosophie du langage ordinaire d’Austin et Wittgenstein au transcendantalisme américain d’Emerson et Thoreau, en passant par Shakespeare, Kant, Nietzsche et Freud. L’ENS Lyon s’impose comme le lieu adapté pour créer un espace de pensée ouvert, au croisement des disciplines, pour la philosophie du cinéma.
1999-2009 : les deux actes de la réception de la pensée du cinéma de Cavell en France
Dix ans après le premier (et, jusqu’à présent, unique) colloque consacré à la philosophie du cinéma de Stanley Cavell en France (à l’Université de Paris III Sorbonne Nouvelle en 1999, organisé par S. Laugier et M. Cerisuelo. Stanley Cavell. Cinéma et philosophie, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2001), ce colloque permettra de prendre en compte des dernières ressources de la recherche sur Stanley Cavell, en France et dans le monde.
Une telle recherche doit se faire dans l’optique d’une collaboration élargie entre laboratoires et institutions. C’est la raison pour laquelle nous mettons en commun les ressources distinctes et les spécialisations complémentaires des sections arts et philosophie au sein de l’ENS Lyon, mais aussi des deux laboratoires de l’École, le CERCC EA 1633, par sa vocation d’expérimentation poétique et d’engagement dans la création contemporaine, et le CERPHI UMR 5037, avec ses méthodes d’histoire des idées, de contextualisation des textes et des débats qui structurent le champ intellectuel. Trois autres laboratoires français sont associés au colloque (et représentés au comité d’organisation) : le CURAPP de l’Université de Picardie Jules Verne qui associe sociologues, politistes et philosophes dans des travaux sur l’action publique, le politique, et deux laboratoires trans-artistiques, l’ARIAS de l’ENS Ulm/Paris III et le LESA de l’Université d’Aix-Marseille, qui travaillent en esthétique et théorie du cinéma. Enfin, il est décisif que ce colloque se tienne à Lyon, dans la ville du cinéma, et avec le soutien du Département du Rhône.
L’écran de nos pensées
Considérer le cinéma comme écran de nos pensées implique de corréler la théorie avec la création cinématographique. C’est pourquoi nous sollicitons des cinéastes réalisateurs et scénaristes, lecteurs de Stanley Cavell ; soit qu’ils s’intéressent aux possibilités spécifiques d’expression du medium cinématographique (Luc Dardenne, Jacques Audiard, Agnès Varda), soit qu’ils s’inspirent directement de Stanley Cavell (Claire Simon, Emmanuel Bourdieu) ou ambitionnent d’« adapter » sa pensée à l’écran (comme aime à le dire Arnaud Desplechin). Nous souhaitons faire place à des projections de films et d’extraits de films d’Arnaud Desplechin et de Terrence Malick, tous deux « disciples » de Stanley Cavell, car on ne peut dissocier la pensée cinématographique, critique et philosophique, de l’expérience des films. Cette variété d’approches vise à explorer la manière dont le film devient l’écran de nos pensées.
Interroger cette dimension, c’est accepter avec Stanley Cavell une profonde rénovation critique du discours philosophique, l’ancrer dans notre expérience ordinaire du monde et des autres, et mettre en question notre expérience des films, sans préjuger de la clarté de nos pensées projetées, ni des difficultés que l’écran permet ou non de lever. C’est pourquoi nous voulons articuler ce colloque autour des concepts cavelliens de projection, d’éducation, de perception, de mythe pour examiner ce qu’il advient de nos pensées et de leurs objets lors de leurs projections ; ce que la perception cinématographique altère ou révèle de la nature de nos perceptions ordinaires ; ce qui distingue et lie l’expérience cinématographique à l’expérience ordinaire, et l’effet de retour de l’image projetée sur la pensée.
Si le cinéma hollywoodien nous fait rêver à la possibilité de réconcilier ses héros, d’éduquer le faible, de moraliser les vilains, c’est pourtant au cinéma que nous trouvons l’expression d’un sentiment d’exil du monde, d’étrangeté, que Cavell a appelé scepticisme, qui traverse nos vies ordinaires. Dans le mélodrame américain, Cavell a poursuivi une interrogation menée d’abord sur le terrain de l’étude des tragédies shakespeariennes, sur nos dénis du monde et des autres. Le cinéma devient ainsi l’écran de nos pensées, parce qu’il s’offre comme le miroir de nos doutes et incertitudes, tout en nous donnant les moyens d’en « guérir », dit Wittgenstein, et Cavell après lui. Il s’agira donc d’interroger ces rapports entre image, émotion, projection et pensée, sur le double versant de la création cinématographique et de la réflexion philosophique.
Élise Domenach et Anne Sauvagnargues
Jeudi 6 mai : Projections du monde , Amphi Descartes, 15 Parvis René Descartes 69007 Lyon
Matin
10h-13h : « Le cinéma à l’Université », 30 ans après La projection du monde (1979).
Présidence : Éric Dayre
10h – Stephen Mulhall : The Melodramatic Reality of Film and Literature : Cavell and Diamond, Coetzee and Hughes
11h – Élise Domenach : La « vérité du scepticisme » au cinéma
11h40 - Andrew Klevan : Stanley Cavell and Philosophical Film Criticism
Après-midi
14h-15h40 : Mythe, fiction et autobiographie
Présidence : Pierre-François Moreau
14h - Anne Sauvagnargues : Cristal de temps : Cavell et Deleuze
14h40 - William Rothman : Film, Autobiography, and the Double Existence of Cavell’s Philosophical Prose.
16h-18h : Éducation, morale et cinéma
Présidence : Élise Domenach
16h - Jean-Michel Frodon : : A propos de quelques mystères laïcs : notes sur le « Supplément à La Projection du monde »
16h40 - Paola Marrati : Ce qu’un certain cinéma sait de la démocratie : Cavell, Hollywood et Rawls
17h20 - Sandra Laugier : L’importance de l’importance. L’éthique transformée par la pensée du cinéma. 21h : Soirée cinéma Salle Kantor
Un Conte de Noël et L’Aimée d’Arnaud Desplechin. Séance animée par Élise Domenach, avec Arnaud DESPLECHIN et Stanley CAVELL.
Vendredi 7 mai : Montrer, raconter, filmer
Matin
Amphi Descartes (15 Parvis René Descartes 69007 Lyon)
9h30-10h50 : La pensée et l’expression à l’écran
Présidence : Anne Sauvagnargues
9h30 - Richard Moran : "Facing Reality : some remarks on recognition, betrayal, and the photographic field of expression"
10h10- Claude Imbert : Écrans, cartes et estampes : les nombres de la "vie moderne " (Baudelaire, Emerson, Cavell)
11h-13h Penser les genres cinématographiques
Présidence : Sandra Laugier
11h - Martine de Gaudemar : Leibniz, Cavell : la pensée sensible
11h40 - Claire Simon : Mettre en images la parole des femmes : mélodrames au planning familial
12h20 – Marc Cerisuelo : La fabrique cavellienne des genres : présences d’Erwin Panofsky et de Northrop Frye
Après-midi Salle Kantor 15 Parvis René Descartes 69007 Lyon
14h30 – 16h30 : Un philosophe, des cinéastes : adapter, lire et mettre en scène une philosophie
Table ronde animée par Élise Domenach.
Avec Jacques AUDIARD, Pascal BONITZER, Luc DARDENNE (sous réserve), Arnaud DESPLECHIN.
Projection d’extraits de films
17h : Cérémonie de remise du diplôme Honoris Causa de l’ENS Lyon par le Directeur de l’École normale supérieure Lyon, M. Olivier FARON, à Stanley CAVELL.
19h : Cocktail et Signature d’ouvrages de S. Cavell
Dire et vouloir dire (Le Cerf, 2009)
Qu’est-ce que la philosophie américaine ? (Folio Gallimard, 2009)
Réédition de Une nouvelle Amérique encore inapprochable, Statuts d’Emerson et Conditions nobles et ignobles
Le cinéma nous rend-ils meilleurs ?, (éd. augmentée, Bayard, 2010) Un second souffle pour la philosophie du cinéma en France