Jouer le jeu
Ce projet de recherche et de création propose un parcours des arts et des lettres des XXe-XXIe siècles autour de la thématique du jeu et du retour à l’enfance, depuis l’époque des avant-gardes artistiques jusqu’aux nouvelles écritures théâtrales contemporaines. Il s’agira d’allier réflexion critique et pédagogique sur la représentation et les mécanismes du jeu dans les arts, mais également sur le rôle de ce dernier dans notre éducation. La notion de médiation y sera centrale, étant donné que le projet est conçu pour se donner à voir dans son processus d’élaboration et intègre une réflexion les liens entre création, recherche et enseignement. Articulé autour de trois axes, ce projet s’adresse tant à la communauté universitaire qu’au public scolaire et au grand public. Il s’efforce de créer des liens entre les divers acteurs, publics et dispositifs de médiation culturelle présents en région Rhône-Alpes et à l’international (Espagne).
Entrer en jeu Le volet scientifique du projet est le fruit de la collaboration de l’Institut des Langues et des Cultures d’Europe et d’Amérique (ILCEA), du Centre de Recherche sur l’Imaginaire (CRI) et du Centre d’Études et de Recherche Comparée sur la Création de l’École Normale Supérieure de Lyon (CERCC). Une journée d’études, intitulée Modernité(s) en jeu et centrée sur la dimension ludique des littératures européennes d’avant-garde, réunira Isabelle Krzywkowski (PR et directrice du CRI), Begoña Riesgo-Martin (Mcf, ENS, CERCC) et Laurie-Anne Laget (Mcf, ILCEA) pour un échange autour des expérimentations théâtrales, chez Alfred Jarry, Pierre-Albert Birot ou Federico García Lorca, ainsi que des lieux d’élaboration du travail créatif, comme les bureaux-ateliers d’André Breton ou Ramón Gómez de la Serna. Pour attirer l’attention sur cette journée d’études et en compléter les travaux, une partie des sources et des supports qui en auront nourri la réflexion seront exposés sous la forme d’ouvrages et de revues illustrées datant de l’époque des avant-gardes, d’affiches et de jouets anciens, dans le cadre d’une exposition organisée à la Bibliothèque Universitaire Droit-Lettres, sous le titre Un siècle de jeux de mots et d’images. La collaboration de l’auteur photographe grenoblois Benoît Capponi permettra de faire le lien entre les expérimentations des avant-gardes et les recherches actuelles, tout en inscrivant cette exposition dans la ville, grâce aux travaux de cet artiste sur les paysages urbains détournés par des jouets d’enfance.
Mettre en jeu Les créations les plus récentes du théâtre européen seront également convoquées au travers d’un cycle de lectures d’auteurs dramatiques, présenté dans le cadre d’une collaboration avec le Troisième Bureau, collectif artistique pluridisciplinaire grenoblois soucieux d’œuvrer à la diffusion critique des écritures théâtrales d’aujourd’hui. Il s’agira de réunir autour du thème du jeu un ensemble de textes traduits en français, notamment de José Ramón Fernández (La memoria del agua, inédit) et de Laila Ripoll (Los niños perdidos, 2010), en donnant à voir, au fil des lectures, les choix artistiques qui ont présidé à la conception de ce cycle de lectures. Ce cycle sera supervisé par un acteur professionnel du Troisième Bureau mais les lectures seront assurées par un groupe d’étudiants et d’élèves ayant participé aux ateliers pédagogiques (voir ci-dessous).
Se prendre au jeu Parce que l’ambition de ce projet est la mise en synergie de la recherche, de la création et de l’enseignement, l’ILCEA souhaite inviter la compagnie théâtrale The Cross Border Project, qui envisage le théâtre à des fins éducatives et sociales en organisant, depuis 2010, des interventions artistiques en milieu scolaire afin de créer une réflexion autour de thèmes comme l’intégration, le rôle des femmes ou la place des personnes âgées dans nos sociétés. Créée par Lucía Miranda, cette compagnie rassemble des artistes de différentes nationalités et a travaillé jusqu’ici aux États-Unis, en Espagne, en Équateur, au Sénégal, en Italie et en France, où elle a récemment participé aux rencontres Young IDEA (Paris) et créé un atelier théâtral auprès d’adolescents dans le cadre du Théâtre National destiné au jeune public Le Grand Bleu de Lille. Cette collaboration s’inscrit dans le prolongement de la venue de l’un des membres de la compagnie, Sergio Adillo, acteur, chercheur et éducateur, invité par l’ILCEA en décembre 2013 pour donner une conférence sur le théâtre de marionnettes, animer un atelier auprès des étudiants du Master MEEF espagnol et faire un spectacle de marionnettes dans la tradition espagnole de la Máquina real (En una maleta abandonada). Cross Border Project créera expressément pour ce projet une mise en scène de poèmes et de berceuses de Federico García Lorca traitant de l’éducation sentimentale que nous recevons dans notre enfance et de la façon dont le jeu influe sur notre représentation du genre et de la sexualité. La pièce sera représentée à l’Amphidice à l’issue de la journée d’études : c’est la raison pour laquelle a été retenue la figure de Lorca, l’un des créateurs européens les plus emblématiques de l’esprit des avant-gardes. La compagnie interviendra, par ailleurs, sous la forme d’ateliers pédagogiques auprès des étudiants et des élèves du secondaire de l’agglomération grenobloise (notamment, du Lycée international, qui a déjà participé aux activités théâtrales de décembre 2013), avec qui elle partagera le processus d’élaboration du spectacle. La semaine de la journée d’études, les élèves seront invités à assister aux répétitions, en compagnie de la metteur en scène et de son équipe. Chaque répétition comportera un atelier inspiré des techniques du Théâtre de l’opprimé afin de créer une expérience participative, en langue espagnole, autour des thèmes de l’éducation et des relations de genre.
Une fois l’expérience terminée, les partenaires du projet souhaitent laisser une trace de ce dernier, sous la forme d’un ouvrage et d’un site internet, rendant compte de l’ensemble de la démarche suivie, depuis le processus d’élaboration jusqu’aux résultats en présence du public. Une collection comme la nouvellement créée “À lire à dire” (2014) des Presses Universitaires de Grenoble pourrait accueillir une anthologie des textes dramatiques présentés lors du cycle de lectures Mettre en jeu, ainsi qu’un compte rendu du travail mené auprès des élèves de l’agglomération grenobloise : les ateliers et le spectacle seront filmés afin de mettre en ligne plusieurs séquences qui illustreront le matériel didactique proposé dans l’ouvrage, donnant ainsi une dimension de e-learning à ces Traces du jeu. Le projet espère ainsi non seulement prendre part à l’axe « création et médiation » mais également à la recherche autour des « cultures et technologies » mise en place à l’Université Stendhal.