Yigit Bener
Classe d’écriture les 18, 19 et 20 mai 2011 à l’ENS de Lyon. Invitation dans le cadre du projet sur « Evénements de traduction, réseaux mondiaux. Cosmo-politique en Lettres et Sciences Humaines, 1945-2010 » présenté par le CERCC.
Yigit Bener est né à Bruxelles en 1958. Il grandit entre la France et la Turquie. Il habite à Istanbul depuis 1990, gagne sa vie comme interprète de conférence et a publié trois romans, un recueil de nouvelles (traduit en français : Autres cauchemars, Actes Sud, 2010) et de nombreux essais, il a également traduit plusieurs ouvrages, notamment Voyage au bout de la nuit de Céline (prix de la meilleure traduction, 2002). Dans ses livres, il a abordé des thèmes comme celui des exilés du coup d’état de 1980 ; le séisme d’Izmit de 1999 ; les adultes vu par les yeux de l’enfance ; l’altérité, à travers la confrontation et l’identification avec le monde des insectes).
PARCOURS
Yigit Bener est né « par hasard » à Bruxelles, en 1958, lors d’un court stage professionnel de son père dans cette ville. La famille étant vite de retour en Turquie, il séjourne à Istanbul et Ankara durant ses cinq premières années. Mais par la suite, son enfance et sa scolarité seront partagées entre la Turquie et la France, où le mèneront les fonctions de son père à l’OCDE : Après un premier séjour de trois ans à Paris jusqu’à l’âge de huit ans, il habitera à Ankara jusqu’à l’âge de onze ans. Puis, nouveau séjour de quatre ans à Paris, où il obtient son BEPC au Lycée Claude Bernard ; de retour à Ankara à l’âge de 15 ans, il obtient son BAC au Lycée francophone de Tevfik Fikret, en 1975. Cette même année, il s’inscrit à la Faculté de médecine de l’Université d’Ankara, poursuit ses études et devient interne. Le 12 septembre 1980, alors qu’il était en stage au service des urgences de l’université de Lausanne, il apprend au beau milieu d’une intervention chirurgicale qu’il y a eu un coup d’état militaire en Turquie. Menacé en raison de ses activités militantes, il décide de ne pas rentrer à Ankara et s’installe à Bruxelles, où il obtient le statut de réfugié politique ; mais il ne pourra pas achever ses études et abandonne la médecine à un an du diplôme. Après huit années d’exil à Bruxelles et deux à Paris, il ne pourra retourner en Turquie qu’en 1990. Depuis, il vit à Istanbul ; il est marié et père d’une fille âgée de quatorze ans. Il a la double nationalité turque et française. Yigit Bener a occupé de multiples emplois : animateur au Club-Med, permanent syndical (Bureau en exil de la DISK auprès de la CES), animateur de maison de jeunes à la mairie de Bruxelles, conseiller culturel pour le compte d’associations belges en milieu immigré, journaliste (notamment rédacteur en chef de la version française d’Inprecor de 1988 à 1990), traducteur et interprète. De retour en Turquie, il a travaillé jusqu’en l’an 2 000 comme interprète et traducteur (chargé des relations avec la presse) au Consulat général de France à Istanbul. Depuis, il travaille en free-lance comme interprète de conférence, agréé entre autres auprès d’institutions internationales comme l’Union Européenne et le Conseil de l’Europe. Il a été élu à plusieurs reprises à la présidence de l’Association des interprètes de conférence de Turquie (TKTD) et il siège au Conseil de l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC) ; il enseigne l’interprétation dans les programmes de maîtrise à l’Université du Bosphore (Istanbul) et à l’Université de Bilkent (Ankara). Ce sont ses attaches familiales qui le mènent à la littérature : son père Erhan Bener (1929-2007) et son oncle Vüs’at Bener (1923-2005) sont en effet deux écrivains de grande renommée. Son premier « acte littéraire », en 1981, a d’ailleurs été la traduction en français d’un roman de son père, Bocek (« Le Cafard », inédit). Son premier roman Eksik Taslar (« Pièces manquantes », Yapi Kredi Yayinlari , 2001 ), traite de la problématique de l’exil politique et de la coupure opérée par le coup d’état militaire entre la génération des militants politiques des années 70 (qui voulaient « révolutionner le monde ») et celle de leurs enfants élevés sous la répression et l’apolitisme amnésique des années 80. Son second roman Kirilma Noktasi (« Point de rupture », Yapi Kredi Yayinlari, 2004), traite de la façon dont le séisme du Golfe d’Izmit (près d’Istanbul), qui avait fait plus de 45.000 morts en 1999, a profondément brisé et bouleversé la société et les itinéraires individuels. Ozgur Rosto ( Rosto la rebelle , Yapi Kredi Yayinlari, 2007), son troisième roman, est une réflexion sur l’enfance et le rôle des parents, à travers les révoltes d’une petite fillette qui s’interroge sur les contradictions du comportement parental, en dialoguant avec sa petite tortue, aussi rebelle qu’elle-même. Son dernier roman, Heyula’nin Donusu (Le Retour du spectre) est en cours de publication. Son recueil de nouvelles, Oteki Kabuslar (Yapi Kredi Yayinlari, 2009), a été publié en français par Actes Sud, sous le titre Autres cauchemars (2010, traduit par Célin Vuraler). Il traite essentiellement du problème de l’altérité, à travers des jeux de confrontation et d’identification avec le monde des insectes ou d’autres bestioles peu fréquentables. Yigit Bener a également publié des essais et nouvelles dans différentes revues (une des ses nouvelles, Donus/Le Retour, a été traduit en français par Timour Muhiddine et publié dans Les Belles Etrangères, Vingt ans d’ouverture aux littératures du monde, Actes Sud, 2008) ; ainsi que des textes analytiques sur le travail d’autres auteurs, notamment sur les écrits de son père et de son oncle, ainsi qu’une longue analyse sur Le Zéro et l’Infini d’Arthur Koestler ; de nombreuses études détaillées sur Céline et Le Voyage au bout de la nuit. Il est l’un des co-fondateurs et rédacteurs de la revue littéraire Iktidarsiz (éditée mensuellement en milieu électronique depuis octobre 2003 : www.iktidarsiz.com), où il a publié régulièrement des textes satiriques, des essais, des nouvelles, ainsi que des traductions de paroles de chansons de Brassens, Brel, Barbara, Moustaki, Renaud ou Aznavour. Il a cosigné un recueil collectif de textes de cette revue : İktidarsiz (Babil Yayinlari, 2005). Yigit Bener a traduit en turc des écrivains comme Jean-Marie Laclavetine, Bernard-Marie Koltès ou Louis Ferdinand Céline, ainsi que des auteurs politiques comme Ernest Mandel ou Samir Amin. Sa traduction de Voyage au bout de la nuit (unique ouvrage de Céline traduit en turc) a obtenu le prix de la meilleure traduction en 2002 et fait l’objet d’une thèse de doctorat (Lale Özcan, Université de Hacettepe, 2010). Il a également traduit en français un roman de son père, une nouvelle de son oncle et des essais d’Enis Batur.