Séminaire L. Demanze (ENS Lyon, CERCC) et J. Majorel (Université Lumière Lyon 2, Passages XX-XXI)
Les chemins actuels de la critique (1968-2018)
Argumentaire :
En septembre 1966, Georges Poulet a organisé un colloque de Cerisy sur Les Chemins actuels de la critique. Publié en 1968, ce fut l’acte de naissance de ce qu’on appelait alors « la Nouvelle Critique ». L’étiquette recouvrait des méthodes, des théories ou des objets aussi divers que les contributeurs : outre son organisateur, Jean Rousset, Paul de Man, Jean-Pierre Richard, René Girard, Gérard Genette, Serge Doubrovsky, Jean Ricardou, Jacques Leenhardt… Il a été réédité chez Hermann en 2011 dans la collection « Cerisy Archives », témoignant ainsi que cette « archive » est bel et bien sensible une cinquantaine d’années après. Notre séminaire, en reprenant ou en relançant ce titre comme une flèche pour l’ancrer dans la conjoncture actuelle, entend éviter deux écueils :
d’une part, la mélancolie des maîtres, la déploration sur le mode « où sont les nouveaux Starobinski, Barthes ou Derrida ? », la nostalgie de la pensée critique des années 1960-1970, accompagnée d’un sentiment de déshérence ou enfermée dans une imitation stérile de ces discours critiques ;
d’autre part, la liquidation, après ou sans inventaire, d’une French Theory réduite à quelques poncifs antinomiques qui s’auto-annuleraient, le retour à l’histoire littéraire ou à la critique biographique de type lansonien ou sainte-beuvien, voire la résurrection en œuvres complètes de figures de compromis comme Albert Thibaudet.
Il s’agit, autant que faire se peut, de frayer une tierce voie, celle tracée par une critique littéraire aujourd’hui aussi vivante qu’hier, diverse et portée par d’autres modes de visibilité et d’invisibilité, d’unité et de dispersion, de lisibilité et d’illisibilité, d’institutions et de marges... Nous aimerions tester au moins ces trois orientations, non exhaustives :
Comment continuer sans répéter la French Theory, recevoir son legs d’emblée pluriel ? Exemple parmi d’autres, la collection « Poétique » au Seuil est toujours très prolifique tant sur le plan des objets (fiction, fenêtre, versification, incipit…) que d’une approche qui n’en reste pas à ce qu’avait formalisé Genette. Ce dernier, à quatre-vingts ans passés, est sans doute plus jeune, fidèle ainsi à son nom, que maints critiques actuels, notamment depuis la série ouverte avec Bardadrac (2006) où s’épanouit une distance humoristique à soi et ses marottes qui est tout le contraire de la palinodie morose de son ancien comparse Todorov.
Quels seraient les nouvelles méthodes ou les nouveaux objets ou les nouvelles théories littéraires des années 2000-2010 ? Évoquons, entre autres là encore, la « géocritique » de Michel Collot et Bertrand Westphal, les textes possibles chers à Pierre Bayard et à l’équipe de Fabula LHT, la critique d’inspiration pragmatiste d’Yves Citton ou des contributeurs (Jean-Marie Gleize, Christophe Hanna, Florent Coste…) de la collection « Forbidden Beach » aux Éditions Questions Théoriques, l’« extension du domaine du style » (Marielle Macé, Gilles Philippe…), le tournant éthique d’une certaine critique littéraire (Alexandre Gefen, Hélène Merlin-Kajman…), la recherche de nouveaux rapports entre littérature et sciences sociales (collection « La Librairie du XXIe siècle » dirigée par Maurice Olender au Seuil…), l’École de Toulouse (Stéphane Lojkine, Philippe Ortel…)…
Pourquoi assiste-t-on à certains reflux, corrélatifs de la promotion d’autres paradigmes, dans la critique littéraire récente ? On pourrait s’interroger notamment sur le recul du paradigme psychanalytique au profit du paradigme sociologique (Jérôme Meizoz, Dominique Maingueneau…).
Calendrier : le séminaire est pensé sur au moins deux années universitaires. Il aura lieu les vendredis de 14h à 16h en alternance à l’ENS Lyon et à l’Université Lumière Lyon 2. Il comprendra chaque année deux séances avec un invité extérieur à l’UDL. Rendez-vous de l’année 2017-2018 :
29 septembre (Lyon 2, 18 quai Claude Bernard, salle B147) : séance introductive.
27 octobre (ENS, D2 117, ex salle F104) : Adeline Thulard (docteure en études théâtrales) sur l’intérêt de l’École de Toulouse pour les études théâtrales.
Justine Huppe (université de Liège) : « Documenter la vie quotidienne. Enjeux critiques d’une littérature “attentive” chez Marielle Macé et Yves Citton ».
24 novembre (Lyon 2, 18 quai Claude Bernard, salle B147) : Florent Coste (École française de Rome) autour de son essai Explore. Investigations littéraires (Questions théoriques, 2017). - 2 février (ENS, D2 117, ex salle F104) : Claude Burgelin (professeur émérite à Lyon 2) sur le reflux de la psychanalyse dans la critique littéraire actuelle.
30 mars (Lyon 2, 18 quai Claude Bernard, salle BER11) : Alexandre Gefen (THALIM, Sorbonne Nouvelle) autour de son essai Réparer le monde. La littérature française face au XXIe siècle (José Corti, à paraître).
27 avril (ENS, D2 117, ex salle F104) : bilan provisoire.