CERCC
 

Projet 2019-2022. La pratique du voyage au confluent des arts, de la littérature et des savoirs, sous la responsabilité de Liouba Bischoff.

Projet 2019-2022. La pratique du voyage au confluent des arts, de la littérature et des savoirs, sous la responsabilité de Liouba Bischoff.

Ce tra­vail de recher­che vise à faire conver­ger plu­sieurs dis­ci­pli­nes autour d’un objet d’étude, la rela­tion de voyage et plus lar­ge­ment les pra­ti­ques d’explo­ra­tion et d’arpen­tage des ter­ri­toi­res (dans la lit­té­ra­ture et dans les arts), dont la rela­tion aux savoirs et à la pensée reste encore lar­ge­ment à explo­rer pour la période qui va du XIXe au XXIe siècle. Il s’agit d’envi­sa­ger le genre via­ti­que, moins pour sa poé­ti­que intrin­sè­que, que comme l’espace pri­vi­lé­gié d’un dia­lo­gue renou­velé entre la géo­gra­phie, l’his­toire, la socio­lo­gie, l’anthro­po­lo­gie et la phi­lo­so­phie. La lit­té­ra­ture et les arts issus du voyage appa­rais­sent comme un nou­veau creu­set des savoirs, après en avoir été rela­ti­ve­ment écartés au fur et à mesure de l’auto­no­mi­sa­tion des dis­ci­pli­nes.

Cette réflexion s’ins­crit d’abord dans les acti­vi­tés du CERCC, qui accorde une place impor­tante aux recher­ches sur les rap­ports entre la lit­té­ra­ture, les arts et les scien­ces humai­nes, notam­ment grâce au par­te­na­riat stra­té­gi­que avec l’uni­ver­sité de Constance. Parmi les pro­fes­seurs qui seront invi­tés à l’ENS de Lyon en 2020, Bernd Stiegler élabore une pensée sti­mu­lante sur le voyage, à la fois dans une pers­pec­tive phi­lo­so­phi­que et à la lumière des inno­va­tions tech­ni­ques dans sa Petite his­toire du voyage immo­bile (Editions Hermann, coll. « Echanges lit­té­rai­res », 2016). Le sémi­naire qu’il ani­mera à l’ENS de Lyon sur les Nadar en 2020 sera l’occa­sion de réflé­chir col­lec­ti­ve­ment aux rap­ports entre voyage et pho­to­gra­phie. Le décloi­son­ne­ment des dis­ci­pli­nes au ser­vice d’une com­pré­hen­sion élargie des ter­ri­toi­res et des pay­sa­ges entre également en réso­nance avec le projet JORISS, mené récem­ment (depuis 2016) par Eric Dayre dans le cadre des liens entre le CERCC, l’école de design et d’archi­tec­ture de l’ECNU en Chine, et l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne. Cette col­la­bo­ra­tion a déjà donné lieu à un col­lo­que à l’ENSASE sur les « infra­struc­tu­res posi­ti­ves », sur les liens entre fic­tion, pho­to­gra­phie et archi­tec­ture des pay­sa­ges, et à une expo­si­tion sur l’écoconstruction en Chine. Elle s’est également concré­ti­sée par des recher­ches sur le vil­lage-musée de Dafen, situé dans la méga­lo­pole de Shenzen, vil­lage où se concen­tre une acti­vité arti­sa­nale de copie des chefs d’œuvre de la pein­ture occi­den­tale que les auto­ri­tés chi­noi­ses ont décidé de patri­mo­nia­li­ser et de sou­te­nir. Cette recher­che consiste à confron­ter les regards occi­den­taux et chi­nois sur le statut de l’œuvre d’art.

L’appré­hen­sion croi­sée des cultu­res et des usages de l’art en régime mon­dia­lisé est un élément impor­tant de la réflexion sur le voyage, les savoirs et les arts que nous enten­dons mener dans le cadre de ce projet, les témoi­gna­ges des voya­geurs (qu’ils soient impré­gnés d’un ima­gi­naire orien­ta­liste ou moti­vés par une quête archéo­lo­gi­que ou anthro­po­lo­gi­que) étant des indi­ca­teurs pri­vi­lé­giés de la per­cep­tion d’autres expres­sions artis­ti­ques. Sur le pôle lyon­nais, la ques­tion de la cir­cu­la­tion des idées entre Orient et Occident est par ailleurs au centre des acti­vi­tés de l’Institut de l’Asie Orientale, que la pers­pec­tive soit phi­lo­so­phi­que, avec les tra­vaux de Romain Graziani sur le taoïsme phi­lo­so­phie qui a inté­ressé bien des voya­geurs occi­den­taux (Fictions phi­lo­so­phi­ques de Tchouang-tseu, 2006 ; L’Usage du vide. Essai sur l’intel­li­gence de l’action, de l’Europe à la Chine), ou qu’elle relève de l’his­toire cultu­relle (on peut songer à l’ouvrage sur les Fantômes dans l’Extrême-Orient d’hier et d’aujourd’hui, dirigé par V. Durand-Dastès et M. Laureillard en 2017, sur un phé­no­mène qui appa­raît également dans les textes des voya­geurs). Le dia­lo­gue avec les cher­cheurs de l’IAO per­met­tra d’envi­sa­ger les enquê­tes lit­té­rai­res et artis­ti­ques sur l’Asie du Sud-Est en inte­rac­tion étroite avec les scien­ces humai­nes. Enfin, le carac­tère inter­dis­ci­pli­naire de ce projet per­met­tra de faire col­la­bo­rer plu­sieurs équipes de recher­che au sein de l’Université de Lyon, notam­ment autour des pro­blé­ma­ti­ques spa­tia­les et des façons de par­cou­rir et d’habi­ter le ter­ri­toire, qui sont au cœur des axes de l’UMR 5600 (Environnement Ville Société) à Lyon et du CIEREC à Saint-Etienne. Cette com­po­sante spa­tiale de la réflexion pourra aisé­ment s’ados­ser à des struc­tu­res d’ensei­gne­ment déjà exis­tan­tes à l’Université de Lyon, comme le par­cours « Écriture et archi­tec­ture » qui permet la ren­contre des étudiants de l’ENS et de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Saint-Etienne, ou le par­cours « Espaces » du Master de scien­ces socia­les de l’ENS, qui forme les étudiants de géo­gra­phie aux enjeux théo­ri­ques du « tour­nant spa­tial ». Danièle Méaux, qui dirige le CIEREC, cons­ti­tuera une col­la­bo­ra­trice pri­vi­lé­giée sur la pra­ti­que de l’enquête et le tra­vail de ter­rain qui lient étroitement lit­té­ra­ture, géo­gra­phie et pho­to­gra­phie. L’ensem­ble de ses tra­vaux sur les dis­po­si­tifs pho­to­lit­té­rai­res et les pra­ti­ques d’enquête et de déam­bu­la­tion urbaine résonne par­ti­cu­liè­re­ment avec notre désir de faire dia­lo­guer lit­té­ra­ture via­ti­que et scien­ces humai­nes, de sorte qu’elle sera co-orga­ni­sa­trice d’un col­lo­que inter­na­tio­nal qui aura lieu en 2021. Rappelons que dans le cadre de la réu­nion de l’ENS et de l’UJM au sein de l’Université de Lyon, les ensei­gnants-cher­cheurs des deux ins­ti­tu­tions qui tra­vaillent dans le champ des arts et de la lit­té­ra­ture se retrou­ve­ront dans le même "Pôle de Formation et de Recherche". Il paraît dès lors fort sou­hai­ta­ble que conti­nuent à se déve­lop­per des syner­gies dans le champ de la recher­che en let­tres et scien­ces humai­nes et socia­les, et que des pro­jets com­muns se met­tent en place. Aussi les rap­pro­che­ments entre le CERCC - EA 1633 et le CIEREC - EA 3068 méri­tent-ils d’être ren­for­cés afin de pré­pa­rer des col­la­bo­ra­tions ulté­rieu­res de plus longue haleine et d’être en mesure de répon­dre aux divers appels de la nou­velle Université de Lyon. J’orga­ni­se­rai à l’ENS deux événements scien­ti­fi­ques inter­dis­ci­pli­nai­res, une jour­née d’étude et un col­lo­que (détaillés ci-des­sous), afin de mettre en place cette réflexion sur le voyage et les savoirs. La jour­née d’étude sur les voya­geurs-phi­lo­so­phes pourra donner lieu à une publi­ca­tion en ligne, par exem­ple sur le site de Viatica, revue électronique dédiée à la lit­té­ra­ture des voya­ges. Elle per­met­tra d’amor­cer une réflexion plus glo­bale sur les rap­ports entre l’art du voyage et la dis­ci­pline phi­lo­so­phi­que, que je sou­hai­te­rais appro­fon­dir dans un ouvrage à venir. Le col­lo­que qui aura lieu en 2021 se tra­duira quant à lui par une expo­si­tion (sur pho­to­gra­phie et anthro­po­lo­gie) et par une publi­ca­tion col­lec­tive au format papier, accueillant des contri­bu­tions de cher­cheurs issus de dis­ci­pli­nes variées.