La popularité de Heinrich Heine (1797-1856), ce « romantique défroqué » comme il se qualifiait lui-même, repose en grande partie sur ses poésies consacrées à l’amour qui, en raison de leur grande musicalité, ont inspiré d’innombrables compositeurs. Reprenant avec virtuosité tous les codes du romantisme, Heine opère toutefois une rupture par rapport à la morale étriquée de la Restauration et du Biedermeier qui domine dans les pays germaniques après le Congrès de Vienne. Exilé à Paris jusqu’à la fin de sa vie, adepte de la « réhabilitation de la chair » prônée par le saint-simonisme, Heine reprend et bouleverse les codes de la poésie amoureuse dont il élargit le vocabulaire jusqu’au trivial. Conscient d’être au seuil d’une nouvelle époque que Baudelaire théorisera sous le nom de modernité, il adresse un ultime hommage, empreint d’ironie, à la grande tradition de la poésie amoureuse, depuis Pétrarque et la poésie médiévale jusqu’à la « poésie de l’expérience vécue » de Goethe, rendant ainsi problématique toute lecture strictement biographique de ces poèmes.