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Ilan Stavans, "Latino USA : A Cartoon History"

SEÑOR TOUCAN GOES TO WASHINGTON

A l’heure où le span­glish, mélange d’espa­gnol et d’amé­ri­cain parlé par 70 mil­lions de per­son­nes en Amérique du Nord, est en passe de deve­nir une langue à part entière, avec ses codes, son lexi­que et sa lit­té­ra­ture (nous dis­po­sons en ligne de la tra­duc­tion du chap­ter uno du Quichotte en Spanglish par Ilan Stavans : « In un pala­cete de la Mancha of which nombre no quiero remem­brearme, vivia not so long ago uno de esos gent­le­men who always tienen una lanza in the rack, una bucler anti­gua, a skinny caballo y un grey­hound para la chaze... »), Latino USA : A Cartoon History (ISBN-10 : 0465082211) raconte l’his­toire des États Unis obser­vée depuis l’hori­zon de la culture his­pa­ni­que.

Ilan Stavans est mexi­cain, issu d’une famille d’ori­gine juive d’Europe Centrale ; il est arrivé aux Etas Unis à 24 ans. Spécialiste de la culture juive amé­ri­caine, de la culture latino,et du span­glish, il est aujourd’hui Professeur de Littérature et Culture Latino-Américaine au Amherst College. Il est un des par­te­nai­res prin­ci­paux du PAI "Le span­glish nou­velle langue de Culture" portée à l’ENS de Lyon par le pro­fes­seur Eric Dayre avec la sub­ven­tion dédiée de la région Rhône Alpes

Ce livre pré­sente le point de vue d’un auteur qui se situe à la croi­sée des moder­ni­tés amé­ri­cai­nes, une vision inté­rieu­re­ment com­pa­rée et décen­trée, dans laquelle l’émigré-immi­grant affirme sa dis­tance, sa liberté et sa manière de des­si­ner. Scénographiée par la forme même de la bande des­si­née, le tra­vail d’his­to­rien et de chro­ni­queur se trans­forme en une danse sub­tile d’épisodes humo­ris­ti­ques où le car­na­va­les­que le dis­pute à l’impar­tia­lité, et où l’hila­rité équilibre un ensem­ble par ailleurs tou­jours docu­menté.

Les sujets : Christophe Colomb, l’idée de « Manifest Destiny », la Bataille d’El Alamo, William Carlos Williams, Desi Arnaz le grand dan­seur de Conga, West Side Story, Castro, Che Guevara, la Baie des Cochons, la crise des mis­si­les de Cuba, Pablo Neruda, Gabriel García Márquez, l’exode de Mariel, et Selena, la reine de la chan­son Tex-Mex assas­si­née à l’âge de 23 ans par Yolanda Saldívar, la pré­si­dente de son fan club. La chro­ni­que de Stavans a recours à « une fiesta de types, d’arché­ty­pes, et de sté­réo­ty­pes », le toucan (qui revient sous la plume de García Márquez, d’Allende et d’autres), le comé­dien latino Cantinflas (le "Charlie Chaplin his­pa­ni­que"), un lut­teur masqué, et Captain America.

Ces voix mul­ti­ples, ryth­mées et savam­ment contra­dic­toi­res, racontent cha­cune un épisode de l’his­toire latino-amé­ri­caine. Stavans écrit : "l’Histoire est bien sûr un kaléi­do­scope où rien n’est absolu". Voici une "his­toire" dont l’appro­che est irré­vé­ren­cieuse, spi­ri­tuelle, sub­ver­sive et bouillante, dou­ce­ment ou fol­le­ment anar­chi­que, tou­jours poli­ti­que, par­fois lyri­que mais à chaque fois sérieuse et réflexive, la forme du comics déga­geant le dis­cours de l’his­to­rien de son côté seu­le­ment rétros­pec­tif et, il faut bien le dire, rare­ment déso­pi­lant.

Eric Dayre