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Scène poétique avec Annie Salager et Jacques Ancet : 27 novembre 2013

La Scène Poétique cycle de poésie parlée

mer­­credi 27 novem­bre 2013

Salle Kantor de l’ENS Lyon

15 parvis Descartes, sur l’avenue Jean Jaures métro Debourg

18h30

Annie Salager & Jacques Ancet

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Jacques Ancet est né à Lyon en 1942 ; il vit près d’Annecy. Son œuvre est impo­sante par son ampleur et sa diver­sité. En effet, Ancet est un des meilleurs tra­duc­teurs de la poésie espa­gnole : Jean de la Croix, Quevedo, Gómez de la Serna, Aleixandre, Borges, Cernuda, Zambrano, Valente, Gelman, Pizarnik... Il est aussi l’auteur de nom­breux essais cri­ti­ques et de proses comme les quatre tomes d’Obéissance au vent ou le très beau Image et récit de l’arbre et des sai­sons. Mais le cœur de son œuvre reste la poésie et on peut la voir comme une quête tou­jours reprise de la pré­sence au monde et à soi-même. Qu’est-ce que vivre ? Comment saisir le vivant en mots alors que le vivant est ce qui échappe et que les mots ne col­lent pas aux choses ? C’est pour­quoi sa poésie est bien une poésie du ver­tige, de l’« égarement » pour repren­dre le titre d’un de ses livres. Et l’on com­prend l’inté­rêt que le poète a porté aux mys­ti­ques espa­gnols, même s’il n’y a rien de sacré ou de reli­gieux chez Ancet, ce serait plutôt l’extase d’un vivre pur, une sorte de révé­la­tion athée d’être. Cela impli­que de sortir de la norme, de la rou­tine quo­ti­dienne, mais du même coup les repè­res s’effa­cent, tout devient ins­ta­ble, fra­gile, fuyant : « Je ne vais pas plus loin que le bout d’un ins­tant qui sans cesse m’échappe, sans cesse m’appelle. C’est pour­quoi je suis perdu. Entre la mon­ta­gne et la tasse, le ron­fle­ment de la pel­le­teuse et le cra­que­ment du radia­teur. Entre ce que je vais dire et ce que je dis. Entre le regard et les choses, le matin et le soir. Entre, tou­jours. » Cette expé­rience d’être à la pointe de vivre n’est ni heu­reuse ni angois­sante : le ton le plus sou­vent employé par Ancet est celui du cons­tat. Vivant pur, c’est être dépos­sédé de soi (« je n’ai plus de nom »), de la langue (« Comment se taire et parler pour­tant ? »), des choses (« l’eau scin­tille hors de son nom »), et sur­tout du savoir. Travailler l’infime (pour repren­dre un autre titre) c’est-à-dire l’ins­tant pur de vivre, c’est entrer « dans ce qu’on ne sait pas ». La poésie n’est pas de l’ordre du savoir, de la pensée, mais bien une ten­ta­tive de mots sur une expé­rience exis­ten­tielle, radi­cale, d’être là. « La mort, la vie et, entre, ce qu’on ne sait pas et tra­verse sans savoir ». Ou bien cette for­mule aussi forte que brève : « Plus je vais, moins je sais, oui ». D’où l’insis­tance sur l’infime, l’insai­sis­sa­ble et la fré­quence des images de la vibra­tion, du flou, de la buée, du trem­blé, entre la double évidence de la pré­sence et de la fuite : « On ne sait pas mais on insiste. Quelque fois ça se rap­pro­che. On va savoir. C’est comme une lueur, là. Ça vibre. Ça s’éloigne. C’est et ce n’est pas. On dit c’est rien. » La force de cette poésie tient à sa cons­tance dans l’inter­ro­ga­tion de vivre et son refus de figer l’expé­rience en une quel­conque maî­trise tech­ni­que, ou un poème défi­ni­tif. En ce sens, on pour­rait parler d’une poésie de l’échec, mais ce serait oublier que ce que le poème ne peut saisir, il peut tout de même le dési­gner, et c’est une belle revan­che.” Antoine Emaz

Derniers titres parus :

Ode au recom­men­ce­ment, Lettres Vives, 2013

Les tra­vaux de l’infime, Po&psy in extenso/Erès, 2012

La Tendresse, réed. publie.papier, 2012

Le Silence des chiens, réed. publie.papier, 2012

Comme si de rien, L’Amourier, 2012

Portrait d’une ombre, Po&psy/Erès, 2011

Chronique d’un égarement, Lettres Vives, 2011

Puisqu’il est ce silence, Lettres Vives, 2010

L’Identité obs­cure, Lettres Vives, 2009 (Prix Apollinaire 2009)

L’amitié des voix, publie.net, 2009

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Annie Salager vit à Lyon. Elle a long­temps ensei­gné l’espa­gnol. Elle écrit :

“La nature, la louange ont été mes modes opé­ra­toi­res les plus spon­ta­nés. Le quo­ti­dien fut long­temps peu pré­sent dans ma poésie...”

“Mes études d’espa­gnol m’ont aussi amenée à rêver sur les siè­cles recu­lés où, au milieu de la même bar­ba­rie qu’aujourd’hui, les hété­ro­doxies reli­gieu­ses –catha­res, soufis, kab­ba­lis­tes- fécondaient syn­thè­ses et connais­san­ces...”

“J’ai eu à l’ado­les­cence deux ou trois « voca­tions », dont théâ­tre, danse et aupa­ra­vant….cou­vent. J’évoque ces vieux et vagues désirs parce qu’ils mani­fes­tent une contra­dic­tion entre joie de vivre et retrait. La poésie tire sa réa­lité de cette ten­sion, on l’apprend vite à ses dépens dans l’exis­tence, pour le plus grand profit de l’écriture. Sans saut dans le vide il n’y a pas de voie pour la voix, sans silence il n’est pas de chant. Il faut ris­quer, lâcher les cer­ti­tu­des, fermer les yeux, cela permet d’exiger de soi, d’aller en creu­sant. Peut-on parler de spi­ri­tua­lité, je ne sais et ne veux pas savoir. Il s’agi­rait d’une spi­ri­tua­lité sen­suelle et poly­mor­phe qui n’a rien d’ortho­doxe et n’est d’aucune confes­sion. Le poème nous mêle à la lumière, la poésie comme la bio­lo­gie por­tent à l’admi­ra­tion du vivant...”

“Alors que toute syn­thèse eth­no­po­li­ti­que, économique, éthique nous glisse des doigts, que l’Image toute-puis­sante et omni­pré­sente efface la mémoire, qui est le pre­mier ali­ment du poème, aujourd’hui dire la danse du monde (sa bar­ba­rie) et le feu sous les mots. Il exige tou­jours le cou­vent laïque mais la crise pla­né­taire sans pré­cé­dent, que chacun res­sent à sa façon, engage l’écriture dans une urgence qui la modi­fie, et lui fait retrou­ver un quo­ti­dien pour­tant dénié au début de la page…”

Editions récen­tes poésie :

Rumeur du monde (L’act Mem 2007)

Aimez-vous la mer, le tango - Tango und Meer (Éditions En Forêt/Verlag Im Wald bilin­gue alle­mand-fran­çais 2009)

Travaux de lumière (la rumeur libre ÉDITIONS 2010, Prix Mallarmé 2011)

La mémoire et l’archet (Editions La Rumeur Libre, 2013)

Œuvres Poétiques Tome 1 (Editions La Rumeur Libre, 2013)

Editions récen­tes récits :

Le pré des lan­gues (Editions du Laquet, 2003)

La muette et la prune d’ente (URDL, Villeurbanne, 2008)

Bleu de terre (La passe du vent, 2008)

Marie de Montpellier (réé­di­tion, NPL, Sète, 2012)

Editions récen­tes tra­duc­tions :

Fuir l’hiver (Poèmes de Luis Antonio de Villena, La Rumeur Libre, 2012).

Animaux sacrés (de Noni Benegas, Editions Al Manar, 2013)

La Scène Poétique est un cycle de poésie parlée réa­lisé par Patrick Dubost en col­la­bo­ra­tion avec le Centre d’Études et de Recherches Comparées sur la Création dirigé par Eric Dayre et les Affaires Culturelles de l’ENS http://www.ens-lyon.eu/culture et avec l’aide de la Maison des écrivains et de la lit­té­ra­ture http://www.m-e-l.fr/index.php

Pour en savoir plus sur la Scène Poétique (son his­to­ri­que) :

http://patrick.dubost.free.fr/la_sc...