CERCC
 

Scène poétique avec Eugène Durif et Gilles Jallet

La Scène Poétique cycle de poésie parlée

mer­­credi 11 février 2015

Salle Kantor de l’ENS Lyon

15 parvis Descartes, sur l’avenue Jean Jaures métro Debourg

18h30

Eugène Durif et Gilles Jallet

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Eugène Durif

"Après des études de phi­lo­so­phie, Eugène Durif publie dans diver­ses revues des textes sur la lit­té­ra­ture et les arts, tout en écrivant adap­ta­tions théâ­tra­les, poèmes et fic­tions. Dans "Conversation sur la mon­ta­gne" (1986), œuvre ins­pi­rée par le mythe de Faust, il aborde l’écriture dra­ma­ti­que par le théâ­tre-récit, avec un long mono­lo­gue struc­turé comme une par­ti­tion musi­cale, où se per­çoi­vent des voix dif­fé­ren­tes. Fidèle à cette forme dans plu­sieurs textes, dont "Le petit bois", créé au TNP en 1991, il uti­lise des dia­lo­gues natu­ra­lis­tes et poé­ti­ques dans d’autres œuvres, drames inti­mis­tes comme "L’arbre de Jonas" (1990) ou évocations d’événements his­to­ri­ques affec­tant les des­tins indi­vi­duels au point de leur donner une dimen­sion épique, comme la guerre d’Algérie dans “ BMC ” (Bordel Militaire de Campagne) (1991). L’inté­rêt de l’écrivain pour les uto­pies com­mu­nau­tai­res se mani­feste dans "Maison du Peuple" (1992), hom­mage à une société ouvrière dis­pa­rue. Si l’humour n’est pas absent de ses œuvres, Eugène Durif a fait preuve d’une verve caus­ti­que inat­ten­due dans ses comé­dies “ Via Négativa ” (1995) et “ Nefs et nau­fra­ges ” (1996), ou "Filons vers les îles Marquises", sati­res des mœurs de l’intel­li­gent­sia et des milieux cultu­rels. Parallèlement, des tour­nées d’été , dans le centre de la France, lui per­met­tent d’expé­ri­men­ter un théâ­tre de proxi­mité , avec des peti­tes formes par­fois éphémères, pro­ches du caba­ret, pour une rela­tion plus intime et plus fes­tive avec le public. Depuis la fin des années 1990, il tra­vaille à des retrai­te­ments de tra­gé­dies grec­ques à partir des his­toi­res d’Oreste ("Meurtres hors champ", 1999), de Phèdre ( Pauvre folle Phèdre, 2005), d’Oedipe ("L’enfant sans nom", 2006), de Médée ("A même la peau", 2007). En pro­je­tant cer­tains de ces per­son­na­ges dans le monde contem­po­rain, le dra­ma­turge parle de l’exclu­sion, de la vio­lence qui per­turbe les rela­tions humai­nes.

Présentées sou­vent dans le cadre de Théâtre Ouvert, les oeu­vres d’Eugène Durif ont été régu­liè­re­ment mon­tées depuis 1986, en par­ti­cu­lier par Hélène Vincent, Patrick Pineau, Joel Jouanneau, Eric Elmosnino, Charles Tordjman, Eric Lacascade, Jean-Louis Hourdin, Anne Torrès, Catherine Beau, Alain Françon et karelle Prugnaud… ”. Il a mis en scène ou inter­prété cer­tains textes , deve­nant acteur-per­for­mer au Théâtre du Rond Point dans "Cette fois sans moi" (2005), des confi­den­ces impu­di­ques sur les trou­bles de l’âme et la misère des corps, assai­son­nées de musi­que et d’images vidéo."

Bernadette BOST (Dictionnaire du théâ­tre, Michel Corvin, Larousse, nou­velle édition 2008)

"Poète pro­téi­forme et, comme Protée, insai­sis­sa­ble, Eugène Durif est un jon­gleur de mots qui mélange les tons, du pathé­ti­que au bur­les­que, de la vio­lence impré­ca­toire à la légè­reté de l’opé­rette, de l’appro­che chu­cho­tée des êtres à la charge ubues­que.

Poète, les mots, il les savoure, il va les débus­quer dans les recoins des dic­tion­nai­res et chez les vieux auteurs (comme ce "gélo­da­crye" - ce rire aux larmes - qu’il a déni­ché chez Marot) ; les mots il les bous­cule et les com­bine, et ses baga­ges sont pleins de mots-vali­ses. Ce sont eux, les mots, qui font le liant d’œuvres dis­sé­mi­nées en une qua­ran­taine de titres. Certaines comme De nuit il n’y en aura plus ou Nefs et nau­fra­ges relè­vent direc­te­ment des débau­ches ver­ba­les chères aux auteurs de fatra­sies et de soties du moyen-âge, tandis que d’autres se met­tent au dia­pa­son d’un Jean-Paul Brisset, auteur d’une cos­mo­go­nie bâtie sur une pho­no­lo­gie déli­rante. Il y a des "à la manière de" chez Durif : du Meilhac et Halévy dans Filons vers les îles Marquise, du Jarry dans Têtes far­çues, des enfi­la­des de faus­ses pla­ti­tu­des dans Les Irruptés du réel.

Durif a une trop haute idée de la fonc­tion du poète pour s’en tenir à ces jeux : la langue parlée, il la saisit dans ses bal­bu­tie­ments, quand la pensée colle encore à la bouche et que la phrase reste comme sus­pen­due. Ce qui permet à Durif de se faire le cap­teur du che­mi­ne­ment obscur et pro­pre­ment indi­ci­ble de pul­sions enfouies (dans Le Petit Bois ou Les Petites Heures), d’avoir un œil tourné vers le dedans et l’enfance, d’être hanté par le sen­ti­ment de la perte. Sa rela­tion aux mots le place dans un rap­port pri­vi­lé­gié avec le monde : le monde de la nature qu’il pénè­tre avec une inti­mité pres­que pan­théiste (dans L’Arbre de Jonas) ; le monde de ses per­son­na­ges qu’il n’enferme jamais dans la prison étroite du sens. Sens qui, fluide et trem­blé, tra­verse le lan­gage (dans Conversations sur la mon­ta­gne). Ce qui veut dire plus pré­ci­sé­ment, en termes de théâ­tre, que l’iden­tité des "il" dont la pièce parle ou du "je" qui parle est indis­cer­na­ble et fuyante. Croirait-on que Durif s’ins­crit dans la lignée des Pierrots lunai­res, cons­truc­teurs d’un monde évanescent ? Il s’en faut. Comme il le dit : "On vou­drait dire le réel, tout, rien que le réel, on s’épuiserait bien avant lui. Des entra­per­çues. Seulement des figu­res qui défi­lent et on vou­drait rete­nir des per­son­na­ges et des vrais pay­sa­ges". Il les saisit, ces per­son­na­ges vrais, dans Tonkin-Alger B.M.C., ou dans Comme un qui parle tout seul et Meurtres hors champ. C’est en réfrac­tant le monde des choses et des gens dans le monde que Durif par­vient le mieux à le saisir et à en res­ti­tuer les dou­leurs et les beau­tés."

Michel CORVIN

Dernières publi­ca­tions :

L’âme à l’envers, Actes Sud, 2015

Au bord du monde, La Rumeur Libre, 2014

Le Petit Bois, suive de Le Fredon des tai­seux, Actes Sud Papiers, 2011

Loin der­rière les col­li­nes, suive de L’arbre de Jonas, Actes Sur Papiers, 2010

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Gilles Jallet

Gilles Jallet est né à Paris en 1956. Enfance à Cahors (Lot), études de let­tres et de phi­lo­so­phie à Toulouse, puis à Paris, où il réside depuis 1980.

Cette nou­velle édition de Contre la lumière réunit les deux livres parus anté­rieu­re­ment aux éditions Seghers, Contre la lumière, en 1985, et ... Un reste revien­dra, sous-titré « Contre la lumière 2 », en 1988. Il ne s’agit pas d’une simple reprise à l’iden­ti­que, mais d’une nou­velle for­ma­tion, qui cons­ti­tue l’état défi­ni­tif de Contre la lumière. Elle reprend également L’Ombre qui marche, paru aux Editions Comp’Act, dans la col­lec­tion « Le Manifeste », en 2004, ainsi qu’un livre par­tiel­le­ment inédit, Les Sembles, dont cer­tains poèmes furent publiés en revues entre 2005 et 2011. Ces quatre com­po­sent simul­ta­né­ment un seul et même livre por­tant le titre unique de Contre la lumière.

« Le meilleur com­men­taire que l’on pour­rait faire de Contre la lumière, le seul peut-être, consis­te­rait-il à citer inté­gra­le­ment ce livre, à le réci­ter ? Peut-être. Sa grande unité de pensée, mais aussi et dans le même temps, la manière qu’a l’écriture poly­mor­phe de Gilles Jallet de sans cesse ren­ver­ser les sens énoncés doit en tout cas, je le crois, rete­nir le com­men­ta­teur de céder à la ten­ta­tion à laquelle pré­ci­sé­ment la poésie, cette poésie, se sous­trait : celle de saisir. « Il me semble tou­te­fois utile, à l’inten­tion du lec­teur nou­veau, au risque donc de paraî­tre la réduire à ce qu’elle n’est pas, ne peut pas être — une thèse —, d’évoquer une partie de la généa­lo­gie intel­lec­tuelle de cette oeuvre consi­dé­ra­ble, qui emprunte son titre à une asser­tion de Jacques Derrida, extraite de la lec­ture que celui-ci fit en 1967 de l’oeuvre alors connue de Levinas, et en par­ti­cu­lier de Totalité et Infini : « Il est dif­fi­cile d’élever un dis­cours phi­lo­so­phi­que contre la lumière. »

(Xavier Maurel, Extrait de la pré­face.)

Traducteur d’alle­mand, il a également publié des tra­duc­tions de Hölderlin et Novalis, aux­quels il a consa­cré deux essais (Seghers).

En 2006, Le crâne de Schiller, avec une pré­face de Laurent Cassagnau, paraît aux éditions Hermann, essais cri­ti­ques sur Schiller et Goethe, Novalis, Hölderlin, Roger Laporte, Mallarmé, Joë Bousquet, André du Bouchet et Paul Celan.

Dernières publi­ca­tions :

Œuvres poé­ti­ques, Contre la lumière, La Rumeur Libre, 2014

Le crâne de Schiller, “langue incom­pa­ra­ble de la tête de mort”, Hermann, 2006

Pour en savoir plus : http://www.laru­meur­li­bre.fr/auteurs...

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La Scène Poétique est un cycle de poésie parlée réa­lisé par Patrick Dubost en col­la­bo­ra­tion avec le Centre d’Études et de Recherches Comparées sur la Création dirigé par Eric Dayre et les Affaires Culturelles de l’ENS http://www.ens-lyon.eu/culture et avec l’aide de la Maison des écrivains et de la lit­té­ra­ture http://www.m-e-l.fr/index.php