CERCC

- Classe de crea­tive wri­ting en anglais, du 20 au 24 mai 2010.

Invitation dans le cadre du projet sur « Evénements de tra­duc­tion, réseaux mon­diaux. Cosmo-poli­ti­que en Lettres et Sciences Humaines, 1945-2010 » pré­senté dans le cadre du CERCC.

L’émergence et la crois­sance expo­nen­tielle des lit­té­ra­tu­res post-colo­nia­les anglo­pho­nes et fran­co­pho­nes remet­tent en cause la défi­ni­tion d’une concep­tion de la tra­duc­tion élaborée dans les tra­di­tions huma­niste et uni­ver­sa­lis­tes de l’occi­dent. Une œuvre comme celle de Sefi Atta, écrite en Anglais, est notam­ment inté­res­sante du point de vue de l’uti­li­sa­tion de cet idiome dans le contexte nigé­rien qui en décen­tre le statut hégé­mo­ni­que et eth­no­cen­tri­que. En même temps, le succès et l’excel­lente récep­tion que ren­contrent les écrits de Sefi Atta dans le contexte amé­ri­cain nous indi­que que le lec­teur contem­po­rain est en quel­que sorte tout à fait prêt à enten­dre la voix étrangère dans sa propre langue. Si ce phé­no­mène de lec­ture est par­ti­cu­liè­re­ment remar­qua­ble aux USA, nous pou­vons nous deman­der ce qu’il en est en France, dans le pay­sage éditorial qui accueille lar­ge­ment ces auteurs aujourd’hui, par rap­port à la très idéo­lo­gi­que et épineuse ques­tion de "notre" propre esprit d’hégé­mo­nie lin­guis­ti­que, ou la fonc­tion que nous sou­hai­tons accor­der aux trans­ferts cultu­rels — en nous deman­dant com­ment ne pas tra­duire pour "annexer", "adap­ter", ou penser "accroî­tre" la richesse de notre propre culture. Écrivaine d’ori­gine nigé­rienne formée en Grande-Bretagne et aux USA, elle est l’une des très bons spé­cia­lis­tes des formes cultu­rel­les et des échanges entre l’Afrique, l’Europe et les Etats-Unis, dans le cadre des études fémi­nis­tes et des études cultu­rel­les. Son œuvre est en effet liée à la veine "fémi­niste" des Ama Ata Aidoo et Buchi Emecheta, Helon Habila ou Chimamanda Ngozi Adichie, qui don­nent actuel­le­ment à la lit­té­ra­ture du Nigeria une force par­ti­cu­lière. Par son par­cours et ses enga­ge­ments tant citoyens que lit­té­rai­res, elle vien­dra uti­le­ment nour­rir la réflexion sur les appro­ches liées aux enjeux socié­taux de l’écriture du roman afri­cain et de ses tra­duc­tions, notam­ment l’uti­li­sa­tion com­plexe de la langue anglo-amé­tri­caine chez les écrivains afri­cains, un pro­blème qui fit l’objet de la polé­mi­que post­co­lo­niale déclen­chée en 1963 par l’arti­cle d’Obiajunwa Wali, "The Dead End of African Literature" dans la numéro 10 de l’impor­tante revue Transition. La situa­tion lin­guis­ti­que du Nigeria est en effet tout à fait excep­tion­nelle, puisqu’on recense plus de 500 lan­gues en usage dans ce pays (voir Mark O. Attah, "The natio­nal Language Problem in Nigeria", in CJAS/RCEA XXI(3), 1987, p.394). Ayant choisi l’anglo-amé­ri­cain, Sefi Atta est en outre pré­sente pour son impli­ca­tion dans la recher­che et la for­ma­tion uni­ver­si­taire, notam­ment comme Professeure de créa­tion lit­té­raire à l’Université Northwestern, et dans le cadre de l’uni­ver­sité du Mississipi, où elle ensei­gne également le "crea­tive wri­ting". Traduit de l’anglais par Charlotte Woillez, son roman inti­tulé Le meilleur reste à venir (publié en France aux éditions Actes Sud) a été salué par la cri­ti­que par­tout où il a été publié (Afrique, Angleterre, États-Unis…), et a obtenu le prix Wole-Soyinka en 2006. Le meilleur reste à venir décrit diver­ses expé­rien­ces de femmes à Lagos, au Nigeria. Ces femmes sont pré­sen­tées dans des contex­tes variés, au plan his­to­ri­que, cultu­rel, hié­rar­chi­que, reli­gieux, social et poli­ti­que. Toutes ont fait l’expé­rience d’un trau­ma­tisme dont le récit se fait l’exu­toire, en témoi­gnant des dif­fi­cultés du statut poli­ti­que de la femme, hau­te­ment symp­to­ma­ti­que du Nigeria post­co­lo­nial. Sefi Atta a récem­ment publié deux livres : un roman, Swallow, et un recueil de nou­vel­les, Lawless & other sto­ries. A cheval sur plu­sieurs cultu­res et pays, l’œuvre de Sefi Atta inté­resse donc une pensée post-colo­niale de la tra­duc­tion dans la lignée des Antoine Berman, Henri Meschonnic et Lawrence Venuti aujourd’hui.

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